Le plagiat n’est pas rare, mais qu’advient-il lorsqu’on découvre une copie d’un concept qui nous appartient, en tant que créateur québécois? Pas de professeur pour taper sur les doigts du plagiaire, et lorsque le plagié est une petite entreprise qui décide de se lancer dans une bataille juridique, il se retrouve parfois dans la peau de David contre Goliath.
Ça a malheureusement été le cas de plusieurs artistes québécois, dont trois entrepreneurs très récemment : Karine Foisy de Veille sur toi, artiste derrière les populaires veilleuses de verre; Julien Nantais de UNDA SUP, cocréateur de UndaYoga ainsi que fabricant de planches de surf; et Mélissa Perron de Rizada, illustratrice reconnue en particulier pour ses tasses et assiettes.
Veille sur toi, Rizada et UNDA SUP : que s’est-il passé?
J’ai pu discuter un peu de la situation avec Karine, propriétaire de l’entreprise Veille sur toi. En février dernier, une fan Facebook de Veille sur toi a fait une trouvaille troublante lors de son passage dans un magasin à un dollar : des répliques de basse qualité des veilleuses hibou et mouton, fabriquées en Chine. Elle s’est dépêchée d’en informer l’artiste derrière Veille sur toi, Karine Foisy, qui a elle-même informé ses fans au moyen d’une publication sur sa page Facebook. Puis, elle a découvert que les mêmes copies étaient en vente sur Amazon. Une situation qui apporte son lot de frustration, de peine et d’impuissance. Heureusement, une vague de sympathie et de solidarité a déferlé sur l’artiste, qui se sentait pourtant à court de ressources, sans aucune institution pour la protéger. La situation a même attiré l’œil des médias.
Du côté de Rizada, Mélissa Perron a été informée sur sa messagerie privée de la copie de ses illustrations. Ce qui dérange surtout, c’est que la plagiaire n’est nulle autre qu’une créatrice d’ici. En fouillant un peu, Mélissa s’est vite aperçu que l’auteure des copies plagiait également d’autres illustratrices sur porcelaine. La créatrice de Rizada n’en est malheureusement pas à son premier cas de plagiat : plusieurs personnes ne comprennent pas la limite entre l’inspiration et la copie, surtout en ce qui a trait à l’illustration.
Quant à UNDA SUP, l’histoire est bien différente et vient à peine de commencer. L’entreprise offre des formations, et des personnes qui y ont participé ont commencé à surveiller de bien près les stratégies d’UNDA SUP, jusqu’à les copier et à exploiter leurs idées. Comme Julien Nantais est encore au cœur de ses démarches, nous n’avons pas eu l’occasion d’en discuter.
Malheureusement, ce ne sont que trois cas parmi tant d’autres. Laurie Marois Artiste Peintre y a aussi goûté, tout comme Marie-Ève Pharand, le designer Isaac Larose, sans oublier Claude Robinson et sa bataille contre Cinar, que j’oserais qualifier de combat épique…
(À droite, l’original)
Quelles sont les conséquences pour nos créateurs d’ici?
Certains diront que le plagiat devrait être pris comme un compliment, puisqu’on copie quelque chose qui nous inspire et qu’on trouve beau. Mais tous artistes plagiés ne le voient de cet œil : la plupart seront en colère de voir leur propriété intellectuelle, leur bébé, usurpé et revendu sans qu’aucun sou ne leur revienne et surtout, sans que leur nom ne soit mentionné. Comme Mélissa Perron de Rizada le dit si bien : « Savoir que nous inspirons quelqu’un est un grand compliment, une belle gratification personnelle. Mais prendre l’idée de quelqu’un d’autre est pour moi tout simplement un vol. » De plus, face à l’impuissance et à la peine infligée, tous n’auront pas la résilience nécessaire pour aller de l’avant. La copie pourrait fort probablement décourager un créateur qui débute, puisque la bataille peut s’avérer ardue. Heureusement, le cercle des créateurs québécois est plutôt tissé serré, et la solidarité peut réussir à leur donner la force de continuer.
Que faire lorsque nous sommes victimes de plagiat?
- Communiquer avec le plagiaire : C’est ce qu’ont fait Mélissa Perron et Karine Foisy. N’en étant pas à son premier cas de plagiat, cette dernière affirme que plusieurs personnes ne sont simplement pas au courant des lois. Il ne faut donc pas avoir peur et chercher à régler la situation « à l’amiable » en tentant un premier contact avec une approche éducative. La chaîne de magasins à un dollar qui l’a plagiée a quant à elle affirmé qu’elle cesserait de commander les copies de ses veilleuses, mais qu’elle devra d’abord écouler les quantités présentes sur ses tablettes. Quant à la créatrice de Rizada, sa première réaction est toujours d’aller constater s’il s’agit ou non de plagiat, puis de communiquer avec la personne pour s’assurer de ses intentions. Elle a malheureusement été surprise du manque de sensibilité rencontré. Elle préfère souvent les encourager à trouver leur propre style.
- Trouver du soutien : Il y a le mouvement Authentik’art qui est en construction. Ce collectif d’artistes se veut une ressource contre le plagiat d’œuvres locales. Ils auront bientôt un site Web, et les victimes de plagiat auraient intérêt à les contacter. N’hésitez pas à partager leur page Facebook!
- Recours judiciaires : Il est possible de diriger le tout vers les petites créances lorsque la discussion ne mène à rien et que l’on souhaite aller plus loin. Il faudra cependant s’armer de patience et de sous, car malgré les lois, le support manque cruellement lorsqu’on en vient à la poursuite.
- Aller de l’avant : Selon Karine Foisy, le plagiat est inévitable lorsque nous devenons créateurs. Il ne faut surtout pas s’empêcher de créer, et choisir judicieusement ce qui mérite notre temps et notre énergie. C’est parfois la solution à adopter.
(La pièce originale de Rizada)
(La copie, avec faute d’orthographe!)
Sensibiliser et conscientiser
Le consommateur a le pouvoir de faire pencher la balance. La sensibilisation est donc toujours d’actualité, et c’est là une partie de la solution plus « globale », selon moi. Qu’il s’agisse d’acheter une veilleuse à 44 $ ou sa copie à 2 $, de se procurer une illustration semblable à celle d’une artiste bien connue ou d’encourager l’entreprise à l’origine d’un concept plagié, c’est à nous en tant que consommateur de mettre notre poing sur la table et d’éduquer notre entourage au besoin.
Dans le cas de Veille sur toi, plusieurs personnes se sont interrogées quant au prix ridicule de la copie face au montant d’une veilleuse originale (44 $). Karine Foisy aimerait rappeler que lorsqu’on se procure un produit original fait main, l’achat inclut la qualité, un service après-vente personnalisé, un réinvestissement dans l’économie locale, et le salaire d’employés payés équitablement pour ce qu’ils font.
Mélissa Perron, quant à elle, conseille à ceux qui seraient témoins de plagiat de ne pas hésiter à dénoncer la situation : vous êtes les yeux des créateurs. Selon elle, il y a une place pour tous les créateurs québécois, et il ne faut donc pas hésiter à mettre l’épaule à la roue pour sensibiliser les acheteurs et les créateurs.
D’où, encore une fois, l’importance de consommer local : on s’assure d’encourager les bonnes personnes, et chacun de nos sous est réinvesti dans l’économie locale, pour ainsi permettre aux créatifs de chez nous de pouvoir, un jour, vivre de leur art… Et on le sait, le Québec est une véritable mine d’or côté créativité!
Crédit photo : Unda Sup
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